Il était une fois Aristide Merloni, le fondateur d’Ariston. Une formidable success-story !

modified: 10 juin 2024

« Nous ne pouvons pas ne pas programmer d’ores et déjà ce que sera le futur. Nous devons penser ce que nous ferons demain, non pas chacun de notre côté, mais en tenant compte d’une histoire, d’un contexte, d’un territoire et que tout cela est lié ».


Ce sont les mots de Maria-Paola, la nièce d’Aristide Merloni, qui concluent ce documentaire (1) sur le fondateur d’Ariston.


Mais qui était vraiment Aristide Merloni ? Quelle est l’histoire de cette entreprise ? La connaître, c’est comprendre les valeurs qui ont porté la marque Ariston dans plus de cinquante pays dans le monde. Pourtant, le 19 décembre 1970, un drame a failli tout remettre en question.


Aristide Merloni est né en 1897 à Fabriano, une commune de la région des Marches dans le centre de l’Italie. Son histoire est lié à cette ville et à ce territoire. En fondant Ariston, il n’a pas seulement changé le destin de sa famille, mais il a surtout changé le destin de sa région.


Au début de sa carrière, il quitte sa région pour travailler dans une entreprise du Piémont au nord de l’Italie. Puis dans les années 1930, Aristide Merloni revient chez lui pour fonder sa première entreprise. Il se lance dans la fabrication de balances, des instruments qui ne supportent pas l’à-peu-près, tout comme lui. Cette expérience va donc forger son caractère. Il avait la réputation d’être précis et exigeant.

Aristide Merloni, le fondateur d'Ariston


Un de ses employés les plus fidèles raconte que pour une minute de retard, il le pénalisait de 30 minutes sur son salaire ! Sa secrétaire parle même d’une certaine crainte. Au travail, il était très sérieux, mais en dehors, il était un jovial et exubérant. Il aimait être avec ses ouvriers et ses employés. Il organisait souvent des dîners pour passer de bons moments tous ensemble et aller parler avec chacun d’entre eux. Il était profondément humain.


La genèse d’Ariston

En 1950, il rencontre un autre grand industriel italien, Enrico Mattei, le fondateur de Eni, entreprise dont le but est d’exploiter les ressources énergétiques et naturelles du pays, notamment le pétrole et le gaz. Lui est aussi originaire des Marches, une région pauvre et sous-développée. Pour Enrico Mattei, cette situation ne favorise pas la création d’entreprises. Mais Aristide Merloni veut le convaincre du contraire. Son raisonnement ne souffre aucune contestation : si on décide de créer des emplois ailleurs, mais alors que deviendront nos familles, que deviendra notre territoire ?


Quand il était petit, Aristide avait été marqué par l’exode de ses proches, de ses amis et de la population locale vers d’autres pays. Ils partaient, et jamais, ils ne revenaient sur leur terre d’origine. Il fallait faire quelque chose pour réhabiliter ce territoire et donner envie aux habitants de rester. Merloni se sentait investi d’une mission : tout ce qu’il réalise, il veut le faire avec et pour sa région.


Le député Bartolo Ciccardini qui a bien connu Aristide résume bien son état d’esprit :


« On apporte du travail où il y a des travailleurs, ce ne sont pas les travailleurs qui doivent se déplacer. »

Merloni et Mattei sont à l’origine du miracle italien. Une preuve ? Au milieu des années 1950, il n’y avait aucune industrie dans les Marches, aujourd’hui, c’est la région qui compte le plus d’entreprises en Italie !


En mai 1953, suite à une commande de Enrico Mattei, Aristide lance avec son fils Francesco une entreprise qui fabrique des bouteilles de gaz. C’est cette entreprise et ce produit qui sont à l’origine de l’une des plus grandes success-stories de l’après-guerre.

Aristide lance avec son fils Francesco une entreprise qui fabrique des bouteilles de gaz

Marco Bartocci, ancien coordinateur de la fondation Aristide Merloni, nous explique simplement comment est née l’idée de fabriquer des chauffe-eau :


« Les bouteilles de gaz se vendaient dans des magasins dans lesquels on trouvait aussi des chauffe-eau. On s’est dit qu’on pourrait nous aussi en fabriquer : la technologie est la même que la bouteille de gaz, la forme est identique, il suffit de mettre un isolant autour et les recouvrir avec une chemise avec de fines lanières métalliques, on y ajoute des tubes pour faire passer l’eau… » Et voilà, le tour est joué !

La suite ? Ils se sont posé la question suivante : « quel autre appareil d’électroménager fonctionner avec une bouteille à gaz ? Réponse, les cuisinières. Ariston décide ensuite de produire tous les appareils électroménagers pour équiper la cuisine.

Ariston, les meilleurs !

Mais d’où vient le nom Ariston ?


Dans les années 60, il décide de créer une marque. Aristide, son prénom, se transforme alors en Ariston, qui signifie « meilleur » en grec.


Aristide Merloni est aussi à l’origine d’une nouvelle figure centrale dans le panorama de l’économie de la région des Marches : le « Metalmezzadro » ! C’est un terme qu’on peut difficilement traduire. « Mezzadro » désigne la personne qui travaille dans les champs. Le paysan devient aussi un ouvrier, la semaine dans les champs, le dimanche dans l’usine !

Aristide partage aussi les responsabilités de l’entreprise avec ses enfants. Avec la concurrence des marques qui venaient de l’étranger, il a fallu réagir et évoluer. Vittorio Merloni sera fondamental.

Un design d’avant-garde

Il a été innovateur surtout dans le design. Il était très curieux et il s’est toujours entouré de personnes qui pouvaient lui apporter l’expérience qu’il n’avait pas.

C’est de cette façon qu’il a recruté un designer japonais. « Savez-vous dessiner des appareils électroménagers ? » C’est comme ça que Makio Hasuike se retrouve à des milliers de kilomètres de Tokyo dans un village italien. « Il a eu un grand courage et a montré une grande ouverture mentale à confier à un jeune garçon japonais l’identité de ses produits » reconnaît-il.


« Il avait l’intuition de faire des choses avant les autres. Une vision qui l’a aidé à développer notre entreprise » explique la fille de Vittorio, Maria-Paola.

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Électronique, informatique et design d’avant-garde, la deuxième génération de la famille Merloni affronte le défi de l’efficience productive. Le modèle Ariston s’exporte alors dans le monde entier. L’idée notamment d’une usine à dimension humaine, de l’économie diffuse (non pas une seule grande entreprise, mais de plusieurs entreprises plus petites qui ne fabriquent qu’un produit par établissement, mais avancent ensemble), l’équilibre entre industrie et nature, la recherche d’une voie qui prend sa source dans la région d’origine pour se développer.


Tout semble aller au mieux dans le meilleur des mondes possibles jusqu’au drame !

Le drame, puis les difficultés

19 décembre 1970, un accident semble casser pour toujours le rêve du miracle italien de Aristide Merloni.


Aristide est au volant de sa Fiat 850. Alors qu’il s’apprête à franchir le portail de l’un de ses établissements, il est percuté de plein fouet par un autre véhicule. Aristide Merloni meurt à l’âge de 73 ans. Il a aussi été maire de Fabriano pendant 10 ans et sénateur.

L'accident mortel d'Aristide Merloni

« On a appris la nouvelle alors que nous revenions de l’école, raconte sa nièce Maria-Paola, les personnes nous regardaient avec tendresse. »
« C’était pour moi comme tomber dans un trou noir, même si j’étais toute petite, mais sa présence restait très forte », raconte une autre de ses nièces, Francesca.
« Et du jour au lendemain, témoigne son fils Francesco, les banques n’allaient plus nous soutenir ! »

Malgré tout, sa fille Ester (1922-2015) et ses fils Francesco (1925), Vittorio (1933-2016) et Antonio (1926-2020), décident de poursuivre l’œuvre de leur père malgré l’hostilité des banques.

Aristide Merloni, repas en famille

Ariston Thermo Group

Francesco prend en main les activités thermosanitaires, aujourd’hui sous le nom de Ariston Thermo Group. Vittorio lui a pris la direction des activités liées à l’électroménager, regroupées sous la marque Indesit. Cette marque d’origine du Piémont a été rachetée en 1987. Depuis 2016, elle ne fait plus partie du Groupe Ariston.

Ce sont les chauffe-eaux qui deviennent le fer de lance d’Ariston. Avec la construction d’une usine en Belgique en 1974 les portes du marché européen s’ouvrent. Mais ce ne fut pas facile. Les difficultés étaient immenses en raison de la dévaluation de la lire, la monnaie en cours en Italie à cette époque. Mais, encore une fois, ce défi est gagné et en 1981 un bureau commercial ouvre à Singapour, c’est le début de la conquête du marché asiatique. Autre date à retenir : en 1987, la société Merloni entre en bourse.

Les valeurs d’Ariston

Que reste-t-il de son fondateur et quelle est son hérédité ?


C’est l’actuel président de Ariston Thermo Group, Paolo Merloni, qui répond dans ce documentaire de la RAI, la télévision italienne :


« Si je pense aux valeurs de l’entreprise aujourd’hui. Je pense aux valeurs d’honnêteté, d’intégrité, du respect des personnes, d’encouragement, de les aider, de les faire grandir et de leur permettre d’avoir du succès. Mais aussi je pense à la valeur de l’excellence et de faire les choses avec excellence, du respect de l’environnement, la valeur de l’écoute des personnes, de nos partenaires, en particulier nos clients. Selon moi, dans toutes ces valeurs, il y a tant de choses de mon grand-père. »

L'actuel président de Ariston Thermo Group, Paolo Merloni



Des valeurs que l’on retrouve aussi dans ce projet récent
qui met en scène l’excellence des produits et des employés de la marque créée par Aristide Merloni : « Ariston Comfort Challenge ». C’est une autre formidable aventure qui fait écho aux propos d’ouverture de Maria-Paola Merloni : « Nous ne pouvons pas ne pas programmer d’ores et déjà ce que sera le futur. » et à ces 2 citations du fondateur d’Ariston :


« Dans chaque initiative industrielle, la valeur du succès économique n’existe pas, s’il n’y a pas aussi l’engagement pour le progrès social. » (2)
« D’autres pourront faire plus et mieux que nous, nous pourrons être dépassés en tout, sauf pour une chose : le dévouement avec lequel nous avons servi notre terre ! »
(1) Cet article reprend des informations, des extraits et des illustrations du documentaire de la RAI sur Aristide Merloni que l’on peut visualiser sur le site de la Fondation Merloni. Cette fondation a été créée par Aristide Merloni en 1963. Son but est de développer les activités économiques et sociales de la région des Marches Elle est présidée par Francesco Merloni.
(2) « In ogni iniziativa industriale non c’è valore del successo economico se non c’è anche l’impegno del progresso sociale. »
(3) « Altri potranno fare di più e meglio di noi, potremo essere superati in tutto, non però nelle dedizione con la quale abbiamo servito la nostra terra. »